Comment la carte permet-elle de mieux comprendre le passé? C’est la question sur laquelle se sont penchés Léon Robichaud et Harold Bérubé, respectivement codirecteur et chercheur régulier au Laboratoire, à l’occasion de la conférence « Les banlieues à la carte : analyse des stratégies publicitaires du rêve suburbain à Montréal » qui a eu lieu le 19 mars 2018 à l’Université de Sherbrooke.
Présentée dans le cadre des midis numériques de l’Université de Sherbrooke, la conférence portait sur le projet de recherche Discours publicitaires et imaginaires suburbains : le cas des banlieues de Montréal, 1950-1970 mené au Laboratoire de 2012 à 2016. Ce projet, piloté par Harold Bérubé, analyse et compare les discours publicitaires élaborés dans les années 1950 et 1960 pour vendre aux Montréalais, anglophones et francophones, le rêve suburbain. Une vingtaine de personnes ont assisté à la présentation en chair et en os alors qu’une quinzaine d’internautes l’ont visionnée via Facebook Live.
L’exposé s’est déroulé en deux temps. Dans une première partie, Léon Robichaud s’est entretenu de la démarche de géoréférencement des emplacements de projets immobiliers réalisée grâce à la plateforme SCHEMA. Il a également présenté l’application Vendre la banlieue aux Montréalais qui permet de visualiser l’emplacement des projets immobiliers et la manipulation de filtres interrogent les publicités de projets immobiliers sous différents angles : selon le prix et l’emplacement géographique des projets immobiliers annoncés, ou encore, selon la langue, la fréquence ou l’année de publication des publicités. Enfin, l’expert en humanités numériques a étendu son propos en partageant quelques réflexions issues des diverses expériences d’analyse et de visualisation cartographiques réalisées au Laboratoire. Cette discussion a notamment abordé les défis rencontrés par l’équipe dans l’élaboration de projets ayant une dimension cartographique. Surtout, elle a mis en lumière les apports significatifs de l’analyse spatiale à la recherche en histoire.
En deuxième partie d’exposé, Harold Bérubé a quant à lui présenté les principaux résultats découlant des analyses cartographiques réalisées dans le cadre du projet. Le géoréférencement des données et les différents filtres d’analyse mis à la disposition du chercheur permettent d’abord de mesurer l’ampleur de l’expansion des banlieues montréalaises. Il apparait qu’en dépit de l’abondance de discours publicitaires sur la banlieue dans les quotidiens montréalais durant les années 1950 et 1960, la cartographie révèle que le phénomène de suburbanisation à Montréal est, en réalité, relativement modeste. La mise en récit spatiale des discours publicitaires sur la banlieue dévoile d’intéressants phénomènes ayant trait à la langue. L’analyse permet de saisir l’évolution et l’entrecroisement des dynamiques entourant les discours destinés aux anglophones et aux francophones. Au début de la décennie 1950, on constate une certaine ségrégation entres les pratiques publicitaires ainsi que les territoires géographiques des projets immobiliers. À la fin de la décennie 1960, ce clivage s’estompe : on observe une certaine convergence des stratégies promotionnelles et l’existence de zones de mixité entre les deux groupes linguistiques.
À l’occasion de cette présentation, Léon Robichaud et Harold Bérubé ont démontré avec finesse et nuance le potentiel et les limites de l’analyse et de la visualisation cartographique. L’équipe du Laboratoire est fière de ces deux remarquables communicateurs, qui contribuent au rayonnement de la cartographie historique et au développement des humanités numériques chez les historiens et les historiennes.