À quelques degrés de séparation…

Par Julie Noël, responsable des communications et du site Web au Laboratoire de 2013 à 2017

Une théorie veut que nous soyons liés à toute personne sur la terre par six degrés de séparation. Je n’ai pas vérifié outre mesure cette assertion, mais un événement récent m’a permis de confirmer que cette chaîne pouvait prendre différents chemins. Un concours de circonstances m’a fait découvrir que Joanne Burgess, directrice du Laboratoire, avait effectué des recherches sur quelques membres de ma famille. Plus encore,  l’un de ces personnages a été l’un des objets de l’exposition Paysages industriels en mutation, présentée à l’Écomusée du fier monde en 1995, alors que j’avais 10 ans et que je préférais encore les histoires à l’Histoire.

Un plus un…

À l’automne 2016, avec l’aide de mes tantes, nous avons entamé un travail de classification des photos familiales. Nous avions, notamment, une quantité impressionnante de photos de la famille de Narcisse Gagnon, mon arrière-arrière-grand-père. J’ai compris, grâce aux informations partagées par mes tantes, qu’il était un industriel du Centre-Sud qui a fait fortune dans la chaussure pour dames.

J’ai fait l’addition rapidement. Un industriel canadien-français du début du XXe siècle, installé dans le Centre-Sud et qui œuvre dans la chaussure : il me semblait y avoir là trop de concordances avec les spécialisations de Joanne pour qu’elle ne le connaisse pas. Bingo ! Avec ses notes rassemblées pour l’exposition, elle m’en apprenait plus sur ma lignée Gagnon que n’aurait pu le faire mes oncles et mes tantes réunis !

Aird and Son

C’est en 1899 que Narcisse Gagnon reprend l’entreprise de chaussures Aird and Son fondée par un immigrant britannique. Montréal est alors le pôle principal des activités manufacturières au Canada. La chaussure fait partie des industries florissantes.

En 1912, Narcisse fait construire une usine sur la rue Ontario, coin Saint-André. Le secteur est alors bouillonnant. Les industries en tout genre côtoient les maisons ouvrières, en plus des activités culturelles qui font la réputation du quartier. Narcisse habite non loin de là, sur la rue Saint-Hubert, à deux pas du Square Viger, repère de la bourgeoisie francophone.

Suite à la mort tragique de son fils aîné, c’est Wilfrid, le cadet, qui reprend la compagnie paternelle en 1926. Il s’avère particulièrement actif et influent. Il s’implique en politique pour le parti Libéral, siège sur plusieurs conseils d’administration, notamment celui de la brasserie Dow, et œuvre pour différents organismes, dont la Palestre nationale. Il sera présenté lors de l’exposition «Paysages industriels en mutations» comme un exemple de ses hommes d’affaires influents oubliés.

Son fils, Émile, est le dernier président d’Aird and Son qui ferme ses portes en 1975. C’est ce cousin éloigné, que je n’ai jamais rencontré, qui sera interrogé par Joanne dans les années 1990 pour en connaître plus sur son père et  l’entreprise familiale.

Plusieurs usines du Centre-Sud, traces de cette période industrielle fructueuse, ont été laissées à l’abandon ou détruites. Heureusement, celle de mon aïeul se tient toujours là et fait à la fois figure de patrimoine industriel montréalais et de petit patrimoine familial.

Narcisse Gagnon 1905