Retour sur la table ronde Camillien Houde: de l’histoire au théâtre

Le lundi 10 décembre 2018 s’est tenu l’événement « Camillien Houde: de l’histoire au théâtre ». La table ronde proposait un regard croisé et un dialogue entre historiens et artistes du monde du théâtre à partir de la pièce Camillien Houde, « le p’tit gars de Sainte-Marie ».

Mario Robert, archiviste en chef à la Ville de Montréal, a débuté la rencontre en présentant les moments forts de la vie de Camillien Houde à l’aide d’une variété de photos issues des archives de la ville de Montréal. Les archives personnelles du célèbre maire de Montréal sont d’ailleurs accessibles au public et offrent un regard unique sur sa vie familiale et publique. En plus des documents iconographiques témoins de la vie politique active de Camillien Houde, M. Robert s’est particulièrement intéressé à sa  correspondance avec son épouse Georgianna Falardeau. Celle-ci contient une foule d’informations sur la vie quotidienne de la famille Houde. De plus, on y trouve des dizaines de lettres écrites durant l’internement du maire à la suite de sa sortie publique contre la conscription lors de la Seconde Guerre mondiale. La correspondance révèle que Mme Falardeau, d’une grande érudition, fut elle aussi bien engagée et fine stratège. Le texte d’Alexis Martin montre par ailleurs toute l’importance de cette femme d’exception dans l’ascension politique de Camillien Houde. En guise d’ouverture, l’archiviste en chef a effectué un retour sur la rencontre entre théâtre et archives. Celle-ci a débuté en février 2017 et s’est poursuivie avec entrain durant tout le processus de création de la pièce. Les archives de la ville de Montréal ont partagé une quantité importante de documents  – photos, vidéos et articles – en exclusivité, avant même leur diffusion publique sur le Web. Au fil du temps s’est tissé un fort lien entre la division des archives et les concepteurs de la pièce. Le résultat du projet théâtral participatif, diffusé dans le cadre des célébrations du 375e anniversaire de la ville de Montréal, a été fort apprécié autant par la communauté artiste que par les citoyens du quartier Sainte-Marie.

La table ronde s’est poursuivie avec la présentation d’Alexis Martin, auteur de la pièce et  codirecteur artistique du Nouveau théâtre expérimental, dont la mission est entre autres de « déceler ce qui est absent » dans le tableau théâtral de la province. Certains événements et personnages marquants tel que Camillien Houde en font indéniablement partie. La genèse du projet théâtral sur « le p’tit gars de Sainte-Marie » provient ainsi de la volonté d’Alexis Martin d’enrichir la dimension historique de la dramaturgie québécoise. Transformé en historien-amateur, Alexis Martin s’est  plongé dans les archives de Montréal à la recherche de Camillien Houde. Les célébrations du 375e anniversaire de la ville de Montréal ont été l’occasion de partager le fruit de ses recherches. Le codirecteur artistique a souligné la pertinence de l’aspect collaboratif de la pièce. L’inclusion d’une vingtaine de citoyens non-acteurs à la troupe professionnelle de sept comédiens a permis une rencontre unique entre le monde du théâtre et les gens du quartier. Ce qu’il retient du projet? La convergence entre un lieu, un quartier, son histoire et les citoyens de ce quartier. Durant le projet, tous se sont réunis autour de la figure de Camillien Houde. Son histoire s’est transformée en une « concaténation » de l’esprit du passé et de la réalité actuelle. Alexis Martin a conclu son exposé en présentant l’art dramatique comme un vecteur qui assure une pérennité de la mémoire.

Par la suite, Paul-André Linteau, co-directeur du Laboratoire, a abordé certains liens entre histoire et théâtre et a livré quelques impressions personnelles sur la pièce.  Pour lui, l’auteur dramatique et l’historien font face à des défis semblables lorsqu’ils s’intéressent à un sujet historique puisqu’ils ne peuvent jamais reconstituer le passé dans son intégralité. Ce qu’ils réussissent à mettre à jour, ce sont des portraits ou des moments fugaces d’un passé qui est « éclaté ». C’est entre autres à travers les archives que l’on trouve de témoignages partiels et parfois contradictoires. Selon Paul-André Linteau, aussi bien l’auteur dramatique que l’historien cherche à combler des vides et à donner un sens au passé pour le communiquer à d’autres. L’historien tente de le faire en confrontant plusieurs informations et en les contextualisant à partir de ses connaissances sur l’époque. Quant à l’auteur dramatique, il cherche à le faire en « imaginant les absences et en disant les non-dits » et en s’appuyant sur sa connaissance de la condition humaine. Bien que les visées soient différentes, elles sont, pour M. Linteau, toutes aussi valables. Il souligne par la suite qu’au sein de la pièce « Le p’tit gars de Sainte-Marie », les émotions sont mises de l’avant. Sur ce plan, les premières années de la vie politique de Camillien Houde sont très riches. Finalement, selon le co-directeur du Laboratoire, la pièce révèle autant des moments d’euphorie que de découragement. Elle démontre notamment l’empathie du personnage politique pour les chômeurs montréalais lors de la crise économique déclenchée en 1929 ou encore sa vive réaction face à la puissance du pouvoir fédéral durant la Seconde Guerre mondiale.

En clôture de l’événement, le public enthousiaste a pu discuter avec les participants de la table ronde. René Binette, directeur de l’Écomusée du fier monde et membre de la direction scientifique du Laboratoire, a animé les échanges portant sur le processus créatif de la pièce ainsi que sur la métropole et sa riche histoire.

Le Laboratoire remercie chaleureusement les invités et le public pour ces échanges des plus stimulants!