Le rêve de Jeanne Mance vu par la cinéaste Annabel Loyola 

Le 29 février 2024, le Laboratoire a tenu une ciné-rencontre autour du film La ville d’un rêve, d’Annabel Loyola. Porté par la lecture des acteurs Pascale Bussières et Alexis Martin, ce documentaire retrace l’histoire des 30 premières années de Montréal du point de vue de Jeanne Mance et met en lumière le rêve qui a précédé la fondation de Ville-Marie. L’événement a eu lieu à la Salle des boiseries de l’UQAM, où étaient rassemblés environ 25 participants dans une ambiance de circonstance. La projection du documentaire fut suivie d’une riche discussion entre les historiens Jean-Claude Robert et Louise Bienvenue et la cinéaste. 

Peu de gens savent qu’avant sa fondation et la venue de ses premiers colons en 1642, Montréal fut un projet de société rêvé, imaginé et conçu par une quelques personnes, dont Jeanne Mance. L’objectif principal de la cinéaste était donc de comprendre les motivations de ces gens. Pour ce faire, elle s’appuie principalement sur l’ouvrage Histoire du Montréal, 1640-1672. Rédigé par François Dollier de Casson, supérieur des Sulpiciens en Nouvelle-France et seigneur de l’île de Montréal, ce texte, qui, de l’avis de Mme Loyola, aurait été dicté par Jeanne Mance, est conservé à la Bibliothèque Mazarine à Paris. La cinéaste met de l’avant un projet d’installation sur le territoire montréalais à vocation humaniste et mystique porté initialement par Jérôme Le Royer de la Dauversière.  

Le documentaire vise également à informer le grand public sur le rôle essentiel de Jeanne Mance. Originaire de Langres en France (tout comme la cinéaste), cette laïque s’installe à Montréal pour fonder un hôpital, l’Hôtel-Dieu. Dollier de Casson décrit Jeanne Mance, gestionnaire de la colonie, comme la cofondatrice de Montréal aux côtés de Paul de Chomedey de Maisonneuve. Ce statut lui sera officiellement reconnu le 17 mai 2012 à l’occasion du 370e anniversaire de la ville. L’influence de Jeanne Mance persiste encore aujourd’hui. C’est en effet elle qui ramène de France les premières Hospitalières qui la seconderont dans la gestion de l’hôpital. Les Hospitalières sont d’ailleurs restées administratrices de l’Hôtel-Dieu pendant 300 ans et sont demeurées au conseil d’administration jusqu’en 1996, date de la création du CHUM, né de la fusion de trois hôpitaux montréalais : l’Hôtel-Dieu, Notre-Dame et Saint-Luc. 

Le visionnement du film fut suivi d’une discussion portant sur les représentations de Jeanne Mance et de la fondation de Ville-Marie. Jean-Claude Robert(UQAM), spécialiste de l’histoire de Montréal à l’époque préindustrielle et collaborateur du LHPM, de même que l’historienne Louise Bienvenue(Université de Sherbrooke), qui a publié en 2018 un texte portant sur la biographe de Jeanne Mance Marie-Claire Daveluy, se sont entretenus avec Annabel Loyola. La rencontre fut animée par Léon Robichaud, codirecteur du Laboratoire et professeur titulaire à l’Université de Sherbrooke. Au cours de ces échanges, les historiens ont souligné la qualité du travail de recherche effectué par la cinéaste. M. Robert a tout de même évoqué le devoir de réserve de l’historien, en rappelant au public que ni la cinéaste ni les spécialistes ne pouvaient affirmer hors de tout doute que l’Histoire du Montréal ait été dicté ou influencé par Jeanne Mance. M. Robert et Mme Bienvenue ont par ailleurs souligné l’originalité du format que prend le documentaire. Ce dernier montre effectivement plusieurs images tournées dans des centres d’archives, ce qui permet au public de se familiariser avec ces lieux et les sources historiques. Enfin, le film génère lui-même des images d’archives, puisque Mme Loyola s’est entretenue avec les dernières Hospitalières de France dans leur couvent de La Flèche, qu’elles ont quitté depuis. 

Il est possible de visionner ce documentaire qui éclaire l’histoire de Montréal sous un autre jour sur le site Web de TV5Unis.