Ressources numériques, travail en réseau et apprentissage de l’histoire: les défis du RÉCIT de l’univers social

Par Roch Montpetit

L’environnement d’une classe d’histoire à l’école a sensiblement changé dans la foulée des réformes que connaît le monde de l’enseignement depuis une vingtaine d’années. De plus en plus, le tableau vert et la craie blanche cèdent la place à un tableau numérique interactif (TNI) et l’ordinateur portable ou la tablette remplace progressivement le « cahier Canada ». Le design du local se rapproche souvent d’un modèle laboratoire: les armoires de métal contenant cartes, affiches et livres de référence, sans disparaître complètement, cohabitent dorénavant avec des aires de travail d’équipe et des ordinateurs. L’utilisation d’outils numériques est une réalité présente dans la quasi-totalité des domaines d’activités scolaires. Autant pour les élèves que les enseignants, le numérique devient incontournable.

Le développement de ces ressources entraîne d’importants changements dans les façons de faire à l’école, et pas seulement pour l’enseignement de l’histoire mais pour chacune des disciplines. Les technologies de l’information et des communications (TICS) permettent le passage d’un modèle d’enseignement magistral à un modèle d’accompagnement. L’enseignant devient ainsi un facilitateur, un animateur, bref, une référence auprès des élèves dans le développement de leurs compétences en histoire. Pour le professeur, le défi est de taille, étant donné la diversité des instruments existants et les compétences nécessaires à leur apprivoisement et à leur maniement. Dans ce contexte, le ministère de l’Éducation du Québec a mis en place, en 2000, un réseau de ressources et d’échanges appelé « RÉCIT » et ce, pour chacun des 5 grands domaines d’apprentissage du Programme de formation de l’école québécoise, dont l’univers social.

Mais qu’est-ce au juste qu’un RÉCIT? Le mot est en fait l’acronyme de « réseau pour le développement des compétences par l’intégration des technologies ». Les RÉCIT sont des organismes chargés de créer et d’animer une plateforme de partage d’informations et d’outils pédagogiques à l’intention des enseignants du primaire et du secondaire. Chaque RÉCIT réunit une équipe qui assure la mise à jour, la promotion et le développement de ressources pour un domaine d’apprentissage, tout en fournissant une formation initiale et un accompagnement aux enseignants-utilisateurs.

Les ressources du RÉCIT de l’univers social
Depuis la fin des années 1990, l’enseignement de l’histoire s’est progressivement intégré au domaine d’apprentissage appelé « univers social », dont l’histoire est le volet « héritage culturel ». C’est donc le RÉCIT de l’univers social qui a pour mission de développer d’outils numériques pour l’enseignement de l’histoire. Sa plateforme héberge une banque de documents et d’instruments constamment mise à jour et bonifiée, où l’on retrouve des situations d’apprentissage et d’évaluation, des documents numérisés, etc. L’équipe d’animation, constituée surtout de conseillers pédagogiques, est en contact régulier avec des enseignants de toute la province.

Les ressources mises à disposition des enseignants du primaire et du secondaire sur la plateforme du RÉCIT de l’univers social sont variées et dynamiques. Elles permettent d’explorer l’histoire sous différents angles, que ce soit par une ligne du temps interactive, par une banque de documents et d’images, ou encore par des graphiques ou des cartes géographiques. Les utilisateurs y ont accès à un large éventail d’outils d’exploration, rassemblés sous des thématiques clairement définies telles que le patrimoine, les idéologies, les rébellions, les élections, les grandes figures de l’histoire, etc. Grâce à de nombreux partenariats avec des centres d’archives, des bibliothèques, des musées ou des groupes de recherche, le RÉCIT accède à du matériel et des applications libres de droits et les partage avec les enseignants.

De façon particulière, la collaboration du RÉCIT et du Partenariat de recherche Montréal, plaque tournante des échanges, associé au Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal, a permis, depuis 2014, la réalisation de dossiers documentaires et de tâches d’apprentissage concernant l’histoire de Montréal. Pour les classes du primaire, on retrouve ces tâches sur le site Web Sociétés et territoires créé par le RÉCIT, alors que pour les classes du secondaire, elles sont intégrées au site Documents d’histoire et de géographie. Les thématiques qui y sont abordées vont du concept d’habitation aux conditions de travail ouvrières, en passant par  la crise des années 1930, Expo 67 et d’autres événements marquants comme le 375e anniversaire de la fondation de Montréal.

À titre d’exemple, une tâche d’apprentissage en histoire destinée aux élèves du secondaire qui traite de la production industrielle débute par une courte mise en contexte sur le monde du travail au XIXe siècle. Puis, en utilisant neuf documents iconographiques (comme ceux ci-contre), l’élève doit identifier les changements que provoque la révolution industrielle, tant dans les méthodes de travail que dans les nouveaux types de main d’œuvre. Enfin, à partir de ces informations, on l’invite à réaliser un schéma comparatif des lieux et des conditions de travail, avant et après la révolution industrielle, et à le présenter à ses pairs.

La clé: le travail en réseau
Le grand intérêt du RÉCIT réside dans le principe du travail en réseau. L’équipe d’animation et les enseignants sont en relation constante, dans le but de maximiser l’utilisation d’outils et de documents numériques et de les adapter aux besoins des élèves. L’essentiel du travail à l’intérieur d’un RÉCIT se caractérise donc par une dynamique d’interaction. Le RÉCIT génère même des communautés d’utilisateurs. La communauté d’histoire de 3e et de 4e secondaire, par exemple, permet un partage d’activités que les enseignants ont réalisées dans leur classe et qu’ils mettent volontairement à la disposition de leurs collègues.

L’ère du numérique dans laquelle nous vivons provoque une transformation des façons de faire dans la plupart des sphères d’activités, incluant l’enseignement. Basé sur le partage en réseau, le modèle de travail développé par le RÉCIT permet le développement, l’enrichissement et le partage de matériel pédagogiques numériques. Il devient une référence dans le travail d’un nombre croissant d’enseignants. Ce modèle se révèle aussi inspirant pour d’autres communautés de recherche et d’échange en histoire, comme les sociétés d’histoire ou de généalogie.

Roch Montpetit est doctorant en histoire à l’UQAM. Ses intérêts de recherche portent principalement sur l’histoire de l’éducation au Québec, l’histoire urbaine et le patrimoine bâti. Ses recherches portent surtout sur le XIXe siècle et la première partie du XXe siècle, jusqu’à la Révolution tranquille. Son mémoire de maîtrise porte sur le développement de l’enseignement technique au niveau supérieur dans le contexte de la diversification des profils d’enseignement universitaire au Québec durant les décennies 1950 et 1960, alors que son projet de thèse concerne le parcours de formation et de professionnalisation de l’architecte québécois, entre 1890 et 1950.