Par Roch Montpetit
Texte publié au sein de la Revue Histoire Québec, vol. 24, no 2, 2018, p. 15-16.
Découvrir l’histoire de son quartier est une démarche accessible à tous et par divers moyens, entre autres par la reconnaissance des traces du passé qui y subsistent. C’est ce que démontre la brochure « Un petit tour dans le quartier Centre-Sud », réalisée par un groupe d’élèves de 5e année de l’école Garneau, de Montréal. Chaque page de la brochure offre une capsule d’histoire inspirée d’un bâtiment patrimonial qui y est présenté. Une frise chronologique (une ligne du temps en quelque sorte) apparaît tout au long des pages, permettant d’abord d’identifier l’année de construction du bâtiment, puis de présenter une capsule d’histoire portant sur la période historique durant laquelle le bâtiment fut construit.
Plus d’une dizaine de périodes des cours d’histoire et de géographie (regroupés maintenant dans le domaine d’apprentissage de l’Univers social), étalées sur plusieurs semaines, ont été requises pour la réalisation de cette expérience en 2015. Une série d’activités, animées par l’enseignante ou par des intervenants-ressources, lorsque le contenu l’exigeait, a été proposée aux élèves.
Une des premières démarches a amené les élèves à décrire leur quartier selon leurs perceptions. Les enfants ont notamment dessiné un plan du quartier en y situant, au meilleur de leur connaissance les rues, les bâtiments, les parcs, ou encore tracé un trajet entre leur école et leur domicile, etc. Le groupe a aussi réalisé une promenade dans le quartier pour regarder ce paysage de leur quotidien d’un point de vue « culturel » en portant une attention particulière à la présence du patrimoine bâti. Appareils photo en main, les élèves ont dû repérer et photographier des bâtiments pouvant faire partie du patrimoine du quartier de leur école.
De retour en classe, les élèves ont été invités à partager leurs découvertes et à entreprendre une recherche afin de documenter leurs trouvailles. En découvrant l’histoire de ces bâtiments, des gens qui les ont construits, décorés, et qui y ont vécu, ils ont pu élaborer le scénario d’une histoire de leur quartier. D’autres ateliers se sont succédé, avant la réalisation de la brochure, afin de consolider les apprentissages : exploration de photographies d’archives de la Ville de Montréal, études des modes de vie d’autrefois ou des périodes historiques comme l’industrialisation ou la Grande Dépression, etc.
Ces différents ateliers ont demandé la mobilisation de plusieurs ressources extérieures[1], tant pour l’animation que la documentation. Deux chercheures ont entre autres conçu des dossiers numériques regroupant des archives et documents en lien avec les bâtiments patrimoniaux du quartier pour faciliter les recherches des élèves. Plusieurs autres activités d’enrichissement proposées par des intervenants spécialisés ont supporté les élèves dans la réalisation de la brochure. Les textes de cette dernière ont d’ailleurs été composés entièrement par les élèves.
Le projet qui chapeaute cette réalisation fut piloté par Julia Poyet, professeure au département d’histoire de l’UQAM et chercheuse associée au Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal (LHPM) de la même université. Il fait partie d’une étude qui s’interroge sur le rôle potentiel de l’étude du patrimoine de proximité dans la construction identitaire des enfants. Le cadre conceptuel du projet a été pensé autour de trois pôles qui ont orienté l’ensemble des activités. Le premier pôle s’articule autour de l’identité sociale, qui, pour chaque individu, se structure dans le temps, l’espace et le milieu social ambiant. Un deuxième pôle concerne l’histoire locale, qui permet la réalisation d’apprentissages signifiants pour les élèves. Finalement, un troisième pôle porte sur le patrimoine comme témoin des modes de vie passés et de l’évolution de la société à travers l’histoire.
Cette expérience vécue avec une classe du primaire s’avère enrichissante sous plusieurs aspects. En effet, le développement d’une sensibilité au patrimoine dès l’école primaire, l’opportunité de faire des apprentissages par l’exploration d’un territoire de proximité et l’utilisation de différents médiums, comme la photographie et l’ordinateur pour la recherche d’informations, se sont avérés d’un intérêt certain pour les élèves. De plus, les effets d’une telle expérience ne sont pas à négliger. D’abord, cette expérience est facilement transposable dans un autre contexte, que ce soit un autre milieu ou une clientèle différente, comme une société d’histoire ou encore un bureau de tourisme local. Constituant un élément de fierté pour ses auteurs, la brochure offre non seulement le portrait de ce quartier à un moment précis de son évolution, mais aussi les perceptions et les sentiments qu’il inspire aux personnes qui y vivent. Finalement, elle constitue une sorte de pièce d’archives pour le futur et le rappel, pour les participants, d’une expérience enrichissante et unique.
Pour en savoir plus :
- POYET, Julia, Mélissa BENJAMIN, Marie-Claude CARRIER et Vanessa LEDOUX, « Le Patrimoine de leur quartier défini par les élèves du projet ‘’Ville-Marie 2015’’ », Enjeux de l’univers social, Québec, vol. 12, no 1, 2016, p. 6-13 ;
- LAROUCHE, Marie-Claude, Joanne BURGESS et Nicola BEAUDRY, (dir,), « Identité et patrimoine. Les résultats de l’étude préliminaire. Ville-Marie 2014 », dans Éveil et enracinement. Approches pédagogiques innovantes du patrimoine culturel, Québec, Presses de l’Université du Québec, collection Culture et publics, 2016, p. 11-28.
[1] Parmi les organismes ayant collaboré à la composition de ces dossiers documentaires numériques, on compte le Service des archives de la Ville de Montréal, l’Écomusée du fier monde et l’OPEQ (Ordinateurs pour les écoles du Québec).
Roch Montpetit est doctorant en histoire à l’UQAM. Ses intérêts de recherche portent principalement sur l’histoire de l’éducation au Québec, l’histoire urbaine et le patrimoine bâti. Ses recherches portent surtout sur le XIXe siècle et la première partie du XXe siècle, jusqu’à la Révolution tranquille. Son mémoire de maîtrise porte sur le développement de l’enseignement technique au niveau supérieur dans le contexte de la diversification des profils d’enseignement universitaire au Québec durant les décennies 1950 et 1960, alors que son projet de thèse concerne le parcours de formation et de professionnalisation de l’architecte québécois, entre 1890 et 1950.